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Dons en mémoire de M. Bruno Foucart
La Société des Amis des musées d’Orsay et de l’Orangerie vient de faire don au musée d’Orsay de sept œuvres de l’ancienne collection de l’historien de l’art Bruno Foucart (1938-2018), données par le frère de ce-dernier, Jacques Foucart, et son épouse, Élisabeth Foucart-Walter.
Bruno Foucart
(1938 – 2018)
Ancien administrateur de la SAMO et donateur lui-même, Bruno Foucart fut également l’un des grands acteurs de la réhabilitation de l’architecture et des arts du XIXe siècle en France, mouvement dont l’aboutissement fut la décision prise par le président Valéry Giscard d’Estaing en 1977 de créer le musée d’Orsay, et le classement monument historique de la gare d’Orsay en 1978.
Né en 1938 à Cambrai, ancien élève de l’École normale supérieure et agrégé de Lettres, Bruno Foucart se forme à l’histoire de l’art auprès d’André Chastel et Jacques Thuillier et se spécialise dans l’étude de la peinture religieuse et de l’architecture du XIXe siècle, conduisant une thèse de doctorat pionnière sur le thème du renouveau de la peinture religieuse en France entre 1800 et 1860.
Devenu professeur des universités – il enseigne à Dijon, puis à Nanterre, à la Sorbonne et à l’École des beaux-arts de Paris –, il forme à son tour plusieurs générations de jeunes historiens de l’art du XIXe siècle et dirige de nombreuses thèses.
Engagé dans la défense du patrimoine architectural du XIXe siècle, aussi bien religieux qu’industriel, au moment où celui-ci faisait encore l’objet de destructions, il joue un rôle important au sein du cabinet du ministre de la culture Michel Guy (1974-1976). Organisateur de l’exposition Viollet-le-Duc au Grand Palais en 1979 et de l’exposition dédiée au frères Flandrin au musée du Luxembourg en 1984, Bruno Foucart intervient régulièrement dans la presse pour défendre des expositions dédiées à d’autres artistes du XIXe méconnus ou dédaignés.
Plus largement, il milite en faveur d’une réévaluation de l’esprit éclectique du XIXe siècle, fustigeant avec parfois le goût de la polémique le dogmatisme des modernistes. Ces mêmes idées président aux achats faits par Bruno Foucart pour sa propre collection, comme en témoigne l’ensemble d’œuvres aujourd’hui données au musée d’Orsay.
Ensemble des œuvres
Félix-Joseph Barrias obtient le prix de Rome en 1844, pour Cincinnatus recevant les députés du Sénat. Il séjourne à la Villa Médicis jusqu’en 1849 et réalise de nombreux dessins dans les jardins des grandes villas romaines (Belvédère au Vatican, Borghèse, Colonna, Negroni, Pamphili) et dans les régions italiennes qu’il visite.
Ce dessin de visage est une étude pour la figure de petite fille du tableau Les Exilés de Tibère peint par Barrias à Rome comme envoi de 5e année.
Le tableau, exposé à la Villa Médicis en avril 1850 puis au Salon la même année, permet à l’artiste d’obtenir la médaille de première classe. Il est acheté par l’État pour le musée du Luxembourg l’année suivante. Au Salon, il est présenté accompagné de la notice suivante : « Tibère, retiré à Caprée, se livrait à toutes sortes de turpitudes. Il ne se passait pas un seul jour, sans en excepter les jours de fêtes, qui ne fût marqué par des supplices. Il enveloppait dans la même condamnation les femmes et les enfants des accusés. On les transportait dans des îles où le feu et l’eau leur étaient interdits » (Suétone, Vie des Césars).
Plusieurs esquisses pour ce tableau, à l’aquarelle et à l’huile, sont conservées, notamment à l’Académie de France à Rome et au musée de Cosne-Cours- sur- Loire.
Dans cette belle étude au crayon noir et à la sanguine, le souci des proportions et de la symétrie du visage, l’importance donnée à la ligne de contour, le travail du modelé, témoignent d’une pratique académique du dessin, d’après un modèle idéalisé. Dans le tableau, l’expression est davantage donnée par le mouvement des figures, par leurs gestes, que par leurs visages : ainsi, ni la peur ni la douleur n’affectent ce visage aux grands yeux noirs, presque impassible, à l’expression convenue, d’une beauté marmoréenne en dépit de l’usage de la sanguine.
Gustave Guillaumet (1840-1887) fut à la fois « un témoin de la conquête de l’Algérie par la France et d’une colonisation qui s’intensifie sous la IIIe République ; un observateur attentif et visionnaire, au plus près des populations les plus modestes des douars, des villages et des ksours, un marcheur ébloui par la couleur et la lumière des paysages immenses et toujours un peintre et un dessinateur hors pair. » (Marie Gautheron, L’Algérie de Gustave Guillaumet).
Figure emblématique de l’orientalisme français, il est l’un des premiers artistes à avoir parcouru de façon intensive l’Algérie, à qui il consacre la quasi-totalité de son oeuvre. Il pose un regard nouveau sur ce pays, s’intéressant à la vie quotidienne, aux enfants, aux travaux des femmes et des hommes du peuple.
Il présente au Salon de 1869 La Famine en Algérie (Constantine, musée national de Cirta), grand tableau dans la tradition de la peinture d’histoire. Des épidémies de famine sévissent depuis 1866 dans certaines régions d’Algérie, et la famine de l’hiver 1867-1868 est particulièrement meurtrière. « Fragilisées par la dépossession de leurs terres et la mise à mal des solidarités traditionnelles, les populations rurales sont les plus touchées ; beaucoup tentent de trouver du secours dans les villes, comme le montre La Famine » (op cit). Cette situation d’extrême urgence est relayée par la presse française, et le tableau de Guillaumet est « un tableau d’histoire d’une brûlante actualité qui interpelle vivement le spectateur ».
Le tableau met en scène treize figures à échelle réelle dans l’espace contraint d’une architecture voûtée. Le dessin proposé en don est une étude à échelle réduite pour l’homme d’âge mûr qui soutient le jeune homme moribond recroquevillé à côté d’un vieillard famélique égrainant son chapelet dont seule la silhouette apparaît dans le dessin.
Ce groupe d’hommes nus luttant contre la mort est un hommage aux Pestiférés de Jaffa de Gros, au Radeau de la Méduse de Géricault, et à Delacroix dont il reprend les femmes des Scènes de massacre de Scio dans La Famine. Les deux corps se répondent plastiquement, dans une symétrie presque parfaite : les deux bustes bustes voûtés et osseux, les bras pliés et décharnés, les visages aux profils inversés, au regard exorbité, exacerbent par leur répétition l’impression lugubre d’agonie.
Le musée d’Orsay, qui a une collection de référence pour l’œuvre graphique de Guillaumet (116 dessins), conserve deux grandes études pour La Famine, dits La Misère (les corps mourant d’une jeune femme et de son petit enfant, au premier plan), et La Peste (le groupe à l’arrière-plan tenant de saisir un morceau de pain à travers une lucarne), grands dessin au fusain, avec des rehauts de blanc et de sanguine, que le dessin du don Foucart vient compléter parfaitement : grâce à ce don, sont ainsi réunies les études pour les trois grands groupes du tableau. Les deux grands dessins d’Orsay ont été mis en valeur dans l’exposition Guillaumet au musée de La Piscine à Roubaix en 2019.
Gustave Guillaumet (1840-1887)
Étude pour la Famine en Algérie
1869
Fusain et sanguine, rehauts de craie blanche sur papier gris-vert, mise au carreau
H. 25 ; L. 35 cm
© Droits réservés
La Commune est une oeuvre peu connue et très originale au sein de la production du peintre d’histoire Henri Lévy (1840-1904), artiste dont on connaît encore mal la biographie. Né à Nancy, Lévy devient l’élève de François-Édouard Picot et Alexandre Cabanel à Paris mais fait d’Eugène Fromentin son véritable maître. S’il échoue à plusieurs reprises au concours du Prix de Rome, l’artiste remporte plusieurs médailles au Salon pour de grandes peintures religieuses – le plus souvent tirées de l’Ancien Testament, l’artiste étant de confession juive – de style néo-romantique, dont certaines sont acquises par l’État, qui encourage ses efforts.
Bientôt Lévy devient l’un des grands peintres de grand décor sous la République, s’illustrant au Panthéon, à la mairie du VIe arrondissement où encore à l’Hôtel de ville de Dijon. En 1900 l’artiste reçoit une médaille d’or à l’Exposition universelle et est élu à l’Institut.
Ce tableau est un passionnant et rare témoignage des diverses façons dont les artistes français ont réagi face au traumatisme de la Commune de Paris, « révolution sans images » (Bertrand Tillier).
En effet, si nous ne savons pas actuellement quel rôle a joué Lévy pendant « L’Année terrible » ni où il vivait précisément pendant la guerre civile (18 mars – 28 mai 1871), ce tableau, réalisé pendant ou juste après les évènements, témoigne d’un fort sentiment anti-communard. Peinture des « désastres de la guerre », le tableau représente de manière allégorique le gouvernement révolutionnaire de la Commune de Paris sous la forme d’une femme hirsute et décharnée, portant le bonnet phrygien et tenant le drapeau rouge du socialisme, dominant un monceau de cadavres et de décombres, parmi lesquels se trouve un crucifix et un drapeau français, et une foule excitée par la violence. Si Lévy puise dans l’iconographie révolutionnaire du XIXe siècle, et particulièrement dans l’exemple de Delacroix, l’œuvre vise ici à donner une vision cauchemardesque de la Commune, et non à rendre compte de la réalité des évènements.
Jamais montré et resté dans la collection de l’artiste jusqu’à sa mort, ce tableau n’a été présenté qu’une seule fois au public, lors de la vente du fonds d’atelier de Lévy en 1905.
Henri de Groux (1866-1930)
Bonaparte
Vers 1895
Pastel
H. 103 ; L. 73 cm
© Droits réservés
Fils du peintre Charles de Groux, défenseur du réalisme social, l’artiste belge Henri de Groux, est brièvement membre du groupe des XX en Belgique avant de s’approcher davantage du symbolisme et de s’installer en France. Il réalise entre 1895 et 1900 plusieurs peintures, pastels et gravures liés au « cycle napoléonien ». Ces œuvres restèrent longtemps méconnues, notamment en raison de l’aspect inattendu d’un sujet militaire par rapport aux thématiques symbolistes et de l’occultation de cette part du travail de de Groux derrière le grand succès de son Christ aux outrages (Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique) dans les années 1890.
Le grand pastel d’Henry de Groux est une œuvre atypique réalisée par un artiste inclassable qui s’intéresse aux grands hommes davantage pour leurs échecs, défaites et mélancolie que pour leurs succès.
D’après Bertrand Tillier qui a consacré un article à ce cycle napoléonien, « ce n’est pas en peintre d’histoire que De Groux s’intéresse à l’Empire et l’empereur, mais comme amateur de mythes et de légendes. » Il dresse ici le portrait imaginaire d’un grand homme avec un « onirisme teinté de cauchemar ».
Alexandre Séon (1855-1917)
La Vierge à l’Enfant
Vers 1900-1905
Huile sur toile
H. 116 ; L. 74 cm
© Droits réservés
Né à Chazelles-sur-Lyon (Loire) en 1855, Alexandre Séon s’installe en 1877 à Paris, où il se forme à l’École des Beaux-Arts et rencontre le peintre Pierre Puvis de Chavannes, qui devient son modèle et mentor. Devenu proche du « Sâr » Joséphin Péladan, éminente personnalité des milieux symbolistes ésotériques français, Séon compte parmi les fondateurs du Salon de la Rose+Croix en 1892 et s’affirme progressivement comme une figure importante du « symbolisme idéaliste ».
En 1896, il expose aux côtés d’Armond Point, Carlos Schwabe, Lucien Lévy-Dhumer ou encore Fix-Masseau dans l’exposition des « Artistes de l’âme » à la galerie La Bodinière à Paris.
Tout au long des années 1900, l’artiste poursuit avec constance son travail autour de l’expression de l’idéal, se détachant du symbolisme pour atteindre à une forme de classicisme inspiré par l’oeuvre des maîtres de la Renaissance italienne, comme en témoigne cette Vierge à l’enfant datée des années 1900-1905 et où se retrouve le souvenir de Léonard de Vinci et des madones de Giovanni Bellini.
Quasi monochromatique et dominée par la pureté du trait, la grâce des gestes et un certain goût du vide et de l’abstraction, la composition peinte à toutes les qualités d’un dessin, acte artistique par excellence selon Séon.
Le paysage de plage et de rochers à l’arrière-plan a été identifié comme étant celui des côtes de l’île de Bréhat (Côtes-d’Armor), où l’artiste réside une partie de l’année à partir de 1894. Là, Séon trouve devant lui « le décor de la Joconde en tonalité rousse », selon les mots de Péladan, qu’il incorpore bientôt à son oeuvre après un important travail de stylisation des formes.
Alexandre Séon, peintre symboliste, étudie aux Beaux-Arts de Lyon et se destine à devenir décorateur. Il gagne le concours de la Mairie de Courbevoie pour le décor de la Salle des mariages (panneaux allégoriques des 4 saisons). Lors de son séjour à Paris à partir de 1877, il s’inscrit au Beaux-Arts avec comme professeur Henri Lehmann où il côtoie alors Georges Seurat qui deviendra son ami. Il est proche de Joseph Pédalan fondateur de l’Ordre Kabbalistique de la Rose-Croix, qui défend une conception onirique et mystique de l‘art.
Le Christ en croix est une étude pour le décor de la chapelle du château de l’Orfrasière commandé à l’artiste par la comtesse Robert de Wendel.
Fleury Gromollard, neveu d’Alexandre Séon a offert le dessin du Christ en croix à l’Institut Catholique de Paris en 1920. Bruno Foucart en devient ensuite le propriétaire.
Alexandre Séon (1855-1917)
Le Christ en croix
Vers 1905
Graphite
H. 103 ; L. 118 cm
© Droits réservés
Alexandre Séon (1855-1917)
Étude de mains
vers 1902-1904
Graphite
H. 16 ; L. 15 cm
© Droits réservés
La petite étude de mains jointes en position de prière est probablement une étude pour les mains de La fille de la mer (île de Bréhat), tableau conservé dans une collection particulière.
Extraits des notices d’œuvres conçues pour le site du musée d’Orsay