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Edouard Théophile Blanchard, Narcisse, vers 1870

 

Edouard Théophile Blanchard (Paris, 1844 – Paris, 1879), Narcisse,
vers 1870.

Historique : jusqu’ici en collection particulière. Acquisition réalisée par la SAMO en juin 2016
Huile sur toile; 64 x 168 cm.
Crédit photo : © Musée d’Orsay / Patrice Schmidt


L’artiste

Petit fils et fils de graveur, élève de Picot et de Cabanel, Edouard Théophile Blanchard entra à l’Ecole des beaux-arts le 8 octobre 1862. Elève brillant, il se fit remarquer au salon de 1867 avec un panneau décoratif composé avec ses amis d’école, Henri Regnault et Georges Clairin (probablement pour le château de Renouard dans l’Orne). Il remporta à plusieurs reprises des accessits au Prix de Rome (3e accessit : Thétis apportant à Achille les armes forgées par Vulcain, 1866 ; 2e accessit : Le meurtre de Laïus par Œdipe, 1867) avant de recevoir le Grand Prix en 1868 avec La Mort d’Astyanax, une composition qui anticipe l’orientalisme de son ami Regnault. Il partit à Rome en janvier 1869 où il retrouva ce dernier (prix de Rome de 1866), ainsi que Joseph Blanc (prix de Rome de 1867). Il y fut rejoint également par Luc-Olivier Merson (1869), Edouard Toudouze (1871) et Gabriel Ferrier (1872).

Il voyagea à Naples (1869), Florence (1870) et Venise (1871-1872) où il copia Carpaccio (La réception des Ambassadeurs pour son envoi de 3e année) et s’intéressa à la couleur. Ses sujets d’envoi relevèrent pour la plupart de la mythologie ou de l’histoire antique (La Fuite de Néron, envoi de 3e année ; Hylas et les nymphes, envoi de 4e année) mais certains sont aussi à relier à l’orientalisme de son ami Regnault (Odalisque, envoi de 2e année) ou témoigne de son intérêt pour la sensualité et les mœurs légères – intérêt qui s’affirmera avec son tableau Le Bouffon (salon de 1878, sombre écho à Rolla d’Henri Gervex présenté la même année) – avec La Courtisane (envoi de 1e année). Ce tableau fut présenté au Salon de 1872 où il reçut une 2e médaille. Son envoi de  4e année, Hylas et les nymphes, dont la composition se rapproche très précisément de la Vénus de Cabanel mais évoque également les représentations du personnage d’Ophélie, fut aussi remarqué au Salon de 1874, ainsi qu’un portrait de jeune homme et une Hérodiade, ensemble qui fut récompensé par une médaille de 1e classe. Hylas fut même acheté par l’Etat pour être exposé au Luxembourg. Il fut ensuite déposé après la mort de l’artiste, en 1886, au musée des beaux-arts de Caen où il semble avoir disparu pendant la Seconde Guerre Mondiale lors des bombardements de 1944. Ce tableau illustrait parfaitement le juste milieu que Blanchard a su trouver entre les recherches coloristes de son ami Regnault et celles autour de la pureté du dessin de Merson, ainsi que son goût pour le traitement sensuel des chairs et celui du paysage dans un style pré-symboliste. Il révélait enfin l’influence du peintre Ernest Hébert qui dirigeait alors l’Académie de France à Rome.

De retour à Paris à la fin de l’année 1872, Blanchard poursuivit une sa carrière brillante au Salon où il exposa tous les ans. Il présenta notamment de nombreux portraits de la société parisienne (dont le portrait de la duchesse de Castiglione Colonna, dite Marcello), qui se firent remarquer pour leur « magistrale palette ». Il proposa aussi des compositions inspirées par des œuvres littéraires (Le Bouffon inspiré de Le Roi s’amuse de Victor Hugo ; Françoise de Rimini et Paolo et Francesca présentés de façon posthume au salon de 1880). Il rentra également dans le circuit officiel des commandes de décor public, en étant sollicité en 1875 pour le décor de Saint-Nicolas des Champs.

Mais cet artiste aux débuts prometteurs « était frappé au cœur » et disparut en 1879 à l’âge de 35 ans. Ses amis organisèrent pour soutenir sa femme et son fils une vente de charité où étaient proposées des œuvres provenant de son atelier ainsi que des œuvres d’autres artistes, notamment Bonnat, Cabanel, Clairin et Merson. Certaines œuvres resteront cependant dans la famille, comme le Paolo et Francesca qui sera donné au musée du Louvre par sa fille Madame Alexandre Sienkiewicz en 1930 et qui se trouve aujourd’hui dans les collections du musée d’Orsay.

 

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Edouard Théophile Blanchard, Hylas entraîné par les Nymphes, 1872, huile sur toile, 2,33 x 3,60, déposé au musée de Caen en 1886, aujourd’hui disparu.

Le tableau

Il représente un jeune homme caressé dans son sommeil par une jeune femme. L’interprétation proposée dans le catalogue de la maison de ventes est une représentation de Daphnis et Chloé, célèbre roman grec racontant les amours d’un jeune berger et d’une jeune bergère, récit d’éducation sentimental qui s’accorde avec les thématiques sensuelles abordées par Blanchard avec La Courtisane (1869) et Le Bouffon (1878). Cependant aucun attribut ne permet de considérer les personnages comme des bergers et l’iconographie du jeune homme endormi accompagné d’une figure féminine fait en revanche écho à un envoi de Rome célèbre, Le Sommeil d’Endymion d’Anne-Louis Girodet-Trioson (1791, aujourd’hui au Louvre), qui constituait une référence pour les jeunes peintres. La thématique relative à la mythologie antique, l’iconographie associant des nus féminin et masculin dans un paysage pré-symboliste et la composition autour d’un corps allongé est du reste très proche de certains des travaux romains de Blanchard, et notamment de son envoi de Rome de 4e année, Hylas entraîné par les Nymphes aujourd’hui disparu.

Il est donc fort probable que ce tableau ait été réalisé à Rome, probablement dans les dernières années de son séjour (1871-1872). Son acquisition vient merveilleusement compléter les collections du musée d’Orsay où il peut ainsi en quelque sorte pallier la disparition du Hylas entraîné par les Nymphes qui aurait aujourd’hui fait partie des collections du musée d’Orsay. La qualité du tableau, son rapport avec l’Académie de France à Rome et la brillante carrière tragique du peintre constituent d’importants attraits, une acquisition importante pour Orsay, d’un artiste rare, Blanchard ayant peu peint du fait de sa courte carrière.

 

Notice d’Alice Thomine-Berrada, conservateur au musée d’Orsay.

Categories: Acquisition, Peinture