Fjaestad appartient à cette génération d’artistes scandinaves arrivés à la maturité au tournant du siècle, qui ont à la fois contribué à la naissance d’une modernité artistique et d’une conscience culturelle nationales, en exploitant de façon originale des innovations picturales venues d’Europe de l’Ouest, et en se joignant au grand mouvement européen de rapprochement des  arts. À Arvika, dans l’Ouest du pays, Fjaestad fonda ainsi en 1898, avec sa femme Maja, artiste du textile, le cercle Rackstad, une communauté d’artistes et d’artisans au sein de laquelle lui-même pratiqua la taille du bois sur mobilier – le musée a acquis l’un de ses fauteuils en 2014.
Chez Fjaestad, cette conscience nationale s’exprime par la représentation de la nature, vide de présence humaine, généralement hivernale, dans laquelle les jeux de lumière sur la neige et la glace, comme les formes végétales remodelées par la neige ou le givre, sont le point de départ de recherches plastiques parfois radicales. Le tableau offert par la SAMO en est l’un des exemples les plus aboutis, dans l’audace d’une composition presque sans sujet et sans souci des articulations habituelles au genre paysager, avec la grande masse d’un premier plan informe qui obstrue la vision. Le coloris incandescent et saturé, qui évoque la neige sans trace de blanc, ainsi que la touche vermiculée, qui  laisse apparente la préparation et se rythme dans les cernes de la végétation, contribuent par ailleurs à produire une sensation d’étrangeté et de tension bien caractéristiques d’une vision symboliste de la nature, traversée par des forces que seul l’artiste sait capter. 

Notice d’Emmanuel COQUERY, conservateur général au musée d’Orsay, adjoint à la directrice de la conservation et des collections du musée d’Orsay