
Maximilian LENZ, Le peintre Friedrich König et Ida Kupelwieser dans une forêt, vers 1910
Maximilien Lenz (Vienne 1860 – 1948),
Le peintre Friedrich König et Ida Kupelwieser dans une forêt,
vers 1910.
Jusqu’en 1978, dans la collection Karl Taul, descendant de l’artiste ;
De 1978 à 1979, Galerie Nebehay, Vienne, acquis du précédent ;
1979, galerie Wolfgang Fischer, Londres, acquis du précédent ;
Galerie Barry Friedman, New York ;
Collection particulière, Etats-Unis ;
2013, Shepherd Gallery, New York ;
2013, don de la SAMO (Société des Amis du musée d’Orsay) à l’Etablissement publique du musée d’Orsay (conseil scientifique de l’EPA M’O du 02/12/2013, commission des acquisitions de l’EPA M’O du 09/12/2013).
Huile sur toile. H. 100 ; L. 229 cm. RF 2013 19.
Malgré une formation prometteuse à l’École des arts décoratifs puis à l’Académie des beaux-arts de Vienne, couronnée par un séjour de deux ans à Rome, il avait dû débuter par des travaux commerciaux en tant que dessinateur pour divers éditeurs en Autriche et en Argentine, avant d’adhérer avec enthousiasme à la Sécession viennoise lors de sa création en 1897 : tout comme pour son ami König, cette nouvelle association d’artistes relayée par une revue porte-flambeau, Ver Sacrum, offrait enfin les moyens de donner une impulsion décisive à sa carrière de peintre et d’attirer le mécénat des grandes familles industrielles viennoises, tels les Wittgenstein et les Kupelwieser. Lenz afficha tôt ses ambitions en exposant à la Sécession Un Monde(1899, Budapest, musée national des Beaux-Arts) : cette composition fortement influencée par Giovanni Segantini montrait un élégant artiste moderne arpentant une prairie en fleur animée de muses à l’antique incarnant les forces inspiratrices de la nature.
Réalisé une décennie plus tard, le tableau généreusement offert au musée d’Orsay par la Société des amis montre qu’à ce lyrisme printanier succède la mélancolie automnale. La prairie, espace ouvert au jeu et à la danse, cède le pas à la forêt viennoise dont le silence évoque la solennité d’un temple et invite au recueillement davantage qu’à la libération incontrôlée des forces vives.Jouant le rôle de l’artiste-randonneur – le Wandererdes liederromantiques germaniques – König s’est assis et regarde, au-delà de l’eau morte d’un étang, s’éloigner une amusante procession dionysiaque composée de satyres velus enlaçant des nymphes sensuelles et dévergondées, menée par un étrange homme bossu coiffé d’une couronne dentelée et vêtu d’un long manteau à traîne. Ce roi grotesque et courbé ferait-il allusion au König (“roi” en allemand) vieillissant, tandis que Lenz (“printemps” en allemand poétique) sombre aussi dans l’automne de la vie ? Faut-il y lire, selon le même principe que Le Soir(Les Illusions perdues)de Charles Gleyre (1843, musée du Louvre), l’hallucination d’un mélancolique visionnaire contemplant la fuite de ses fantasmes juvéniles de liberté et d’excès ? Pendant élégiaque à Un Monde, Le Peintre Friedrich König et Ida Kupelwieser dans une forêttémoigne probablement, non sans humour, de la distance prise par rapport aux premiers élans de la Sécession viennoise. Si Lenz fut un temps proche de Klimt au point qu’ils firent route ensemble à Rome, Venise et Ravenne en 1903, leurs relations se refroidirent lorsque Klimt quitta la Sécession en 1905. Resté fidèle à la tendance conservatrice privilégiée par l’association à partir de cette date, Lenz montre son attachement à la tradition romantique autrichienne du paysage héritée de Ferdinand Waldmüller, en opposition aux avant-gardes formelles ou expressionnistes menées par Klimt et par Schiele au même moment.
Côme Fabre, Conservateur peinture au musée d’Orsay.